Entre les hôtels particuliers et les galeries d'art de la rue Charlot, un halo de lumière ouvre sur un espace d'un genre nouveau. Une très jolie boutique ? Une galerie d'art textile ? Un showroom professionnel ? Les trois mon capitaine ! C'est le pari réussi d'une découvreuse de fibres extraordinaires et de créateurs de talent.

Agnès Butor est née dans une pelote de laine, ou presque. A 14 ans, elle sait tisser et c'est tout naturellement qu'elle fait ses classes et sa carière auprès de la Woolmark. Entrée comme stagiaire au bureau de style, elle a touché à tout au sein de l'emblématique société de recherche, créateur du sigle et du label qualité certifiant la laine vierge. En 2009, alors responsable du bureau français, le changement s'impose à elle, ses passions aussi.

Alors elle rêve d'un lieu unique, sophistiqué et abordable. Elle pourrait à la fois y faire découvrir le talent des artisans et des jeunes créateurs, exposer des oeuvres d'art et proposer une recherche de matières rares à des professionnels de la mode. La Boutique Extraordinaire est née en novembre 2010, de l'imagination d'Agnès, de son envie de toucher les gens en les faisant toucher la matière, de son désir aussi de les transporter, comme dans Les Voyages extraordinaires de Jules Verne.

Les passants intrigués se pressent devant la boutique, d'abord frappés par les oeuvres originales qui ornent la vitrine. Françoise Hoffmann, artiste feutrière y a remplacé Diana Brennen spécialiste de la maille en fil de métal qui a créé pour Agnès le gilet trois fils et perles, symbole de la boutique. L'appel des couleurs chatoyantes est fort. On entre, on questionne, on ressent par les mains. "Ici, les gens viennent comme au musée, et repartent avec les oeuvres", confie Agnès. Et si la précieuse laine peignée d'Australie appelée Jemala s'échange à prix d'or, il y a aussi de quoi craquer à petit budget. Du linge de toilette japonais à quelques euros à l'écharpe en cachemire à 115€ en passant par celle en mouton mérinos à 50€...

Matières et fibres extraordinaires, mais aussi sens aigu de l'éthique. Agnès aime le beau responsable et encourage les expériences solidaires en leur offrant une place de choix sur les portants en bambou suspendus par des rubans de couture. Ici la soie Muga de la marque Avani d'Himalaya est colorée aux plantes naturelles dans une teinturerie chauffée à l'énergie solaire. Là, les écharpes et étoles Brin-de-Vian-Tiran, 200 ans de travail des fibres précieuses comme le Kid Mohair, le Baby Camel ou encore le Yanguir, bouquetin sibérien.
Dès le printemps, le coton, la soie, la fibre de bananier et bien d'autres viendront remplacer les chaudes étoffres d'hiver sur les bambous d'Agnès Butor. En attendant, rendez-vous le 9 mars pour découvrir Lola Bon'Heure, une jeune marque parisienne de petits hauts et accessoires tout en mohair et soie tricotée à la main. Un rêve de douceur!

Une rencontre avec un créateur de chapeaux, et voilà la comédienne et metteuse en scère Françoise Hoffmann qui quitte les planches pour pétrir une autre matière que les mots : le feutre et la soie. Elle se forme, développe sa pratique et s'installe artiste feutrière dans un atelier à la Croix-Rousse, le quartier des canuts, à Lyon. Heureuse de travailler avec ses mains, dans un corps-à-corps avec la matière, surtout le mérinos d'Espagne, d'Arles et d'Australie, des laines souples et douces qui s'adaptent bien au feutrage, ou plus rustiques s'il s'agit d'habiller des fauteuils. Puis elle marie ces fibres de laine avec la soie et parfois le lin. En sortent manteaux, robes, gilets, vestes, gants et accessoires, qu'elle considère comme des personnages de théâtre et qui lui ont valu d'être nommée en 2008 Maître d'Art par le ministère de la culture. Singulier: les vêtements de Françoise Hoffmann sont des volumes sans couture et des pièces uniques, presque des sculptures. A découvrir à la Galerie Artefact à Lyon, chez Mary Beyer (ganterie) à Paris et à la Julie Artisans'Gallery sur la Madison Avenue de New York. Et jusqu'au 27 février, à la Boutique extraordinaire.